Paradoxalement, la seule image que je retiens
de ce film est la dernière, celle de la conclusion, de la fin de l’année, celle
qui montre une classe désordonnée mais vide … Au début de l’année, on l’avait
astiquée, rangée, repeinte, reformatée. Que reste-t-il quand tout est
fini ? Rien, ou plutôt rien de matériel, rien de palpable, rien de
filmable. Tout est dans la tête, en sentiments et en nuance. Une année scolaire
enrichit, mais pas en terme financier … Des souvenirs plein la tête, des
expériences enrichissantes, des liens sociaux durables. Pour le jeune, ce n’est
pas tant la matière enseignée qui importe, mais plutôt la manière et le cadre
émotionnel.
A la fin de l’année, on demande : qu’as-tu
appris ? Et l’étudiant de répondre ce qu’il a aimé apprendre ! Là se
situe toute la nuance. Là se trouve la « qualité » du professeur, son
aptitude à transmettre sa passion pour la matière qu’il enseigne. Là se pose
aussi la question de la définition de l’enseignement.
Je ne suis pas en train de dire qu’il faut
arrêter d’accorder de l’importance au contenu de l’apprentissage. Je veux
simplement attirer l’attention sur l’importance de la socialisation par
l’école. Exclure un élève d’un établissement, c’est renoncer, c’est accepter un
échec, c’est refuser de comprendre … C’est presqu’inadmissible en fait, sauf
peut-être quand cela permet l’arrêt d’une spirale infernale que plus personne
ne contrôle.
Après le film, on demande aux gens présents de
dire s’ils s’y sont reconnus. Ma réponse est tout simplement négative :
non, je ne me suis pas reconnu dans cette classe ! Non, je n’ai pas vécu
dans ces mêmes conditions ! Oui je suis favorisé ! Et ça me fait peur
que de tels clivages puissent exister. Nous sortons avec le même diplôme. On
nous donne les mêmes garanties, nos socles de compétence sont égaux,
théoriquement. Pratiquement, c’est faux. Les jeunes s’en rendent compte, ils ne
sont pas aussi abêtis qu’on pourrait le croire, ils savent qu’avec leur diplôme
en poche, ils n’ont pas grand-chose. Ils savent qu’il leur faudra apprendre
trop de trucs sur le tas. Ceux qui ne le savent pas arrivent dans
l’enseignement supérieur sans savoir étudier, sans savoir comprendre la langue,
sans savoir décoder un texte, sans savoir réfléchir posément : cela
engendre une désillusion terrible, l’estime de soi avoisine le zéro absolu
tandis que la volonté d’apprendre est éludée par un sentiment d’impuissance.
Finalement, ce film est très sentimental, sans
avoir l’air d’y toucher : pas de musiques, pas d’effets spéciaux, pas de
narration. N’est-ce pas le but ultime d’un film : faire vivre au
spectateur les situations sans lui commander ce qu’il doit ressentir ?